6 juin 2009

Les Simpson, un produit de la mondialisation? Épisode 2. Une écriture "circulaire" qui s'adresse à une audience globalisée.

Réagir
Mon précédent article sur les Simpson s'attachait à montrer que la famille Simpson est tout à la fois un produit de l’industrie des mass media, un objet mercantile, un succès télévisuel et commercial ainsi qu'une icône populaire dans le monde entier. Au cours des vingt dernières années, la marque Simpson a été gérée de façon extrêmement efficace par Fox Entertainment et plus généralement par sa maison-mère NewsCorporation, à tel point que la série est devenue le centre d’un lucratif système de merchandising et de licence. Mais au-delà de l’aspect marketing et de la force de frappe de NewsCorporation, comment expliquer ce succès global de la série ? Comment ce programme bien américain, centré sur la vie d’une petite ville de l’Amérique profonde, a-t-il réussi à fédérer un tel public aux quatre coins du monde et à acquérir le statut d’icône?
Même si Matt Groening déclare que le public de la série à l’étranger n’est pas pris en compte lors de l’écriture, on remarque aisément que la série Les Simpson est beaucoup plus ouverte au monde extérieur que n’importe quelle autre sitcom. En faisant référence à d’autres pays, ainsi qu’à l’actualité internationale, les auteurs reconnaissent implicitement l’impact mondial de leur série. Par exemple, Homer et sa famille ont bien plus voyagé autour du monde que n’importe quelle famille américaine moyenne. Ensemble, ils ont été en Angleterre, au Japon, en Australie, au Brésil, au Canada, en France… parmi beaucoup d’autres exemples.
Dans le pays en question, la diffusion de l’épisode suscite généralement un sursaut d’enthousiasme pour la série, à l’exception du Brésil où un épisode a été particulièrement décrié. Mais dans tous les cas, cela génère une couverture médiatique supplémentaire. Surtout, il devient encore plus important de viser un public international quand vient la question de réaliser un film : pour un blockbuster hollywoodien, la majorité des profits provient des marchés étrangers.
En plus des voyages à travers le monde, les références à la culture populaire mondiale représentent une caractéristique importante de la série, créant des liens avec le public. En effet, pour comprendre la dimension parodique des épisodes, il s’avère nécessaire de posséder un ensemble de code et de références culturelles, de Léonard de Vinci à American Idol, ce qui gratifie les spectateurs capables de comprendre les références et les clins d'oeil (et les transforme en fans).

Au cours des centaines d’épisodes diffusés, on ne compte plus les apparitions de « guest stars », souvent prestigieuses et généralement d’envergure internationale, comme Tony Blair ou Britney Spears. Les allusions à des évènements contemporains ou à des problèmes planétaires sont aussi pléthoriques, comme la guerre en Irak ou le changement climatique. Le cinéma, les jeux vidéos, la musique, et même les autres cartoons ne sont pas oubliés : aucune partie de la culture populaire n’est laissée de coté. Toutes ces références parlent à un public mondial baignant dans la même culture de masse, nourri avec les même stars, films, ou informations. En évoquant le monde extérieur à Springfield, les auteurs des Simpson créent une connexion entre le monde de la série et le monde des téléspectateurs, à l’opposé des petites communautés fermées propres aux sitcoms.
De fait, les scénaristes des Simpson puisent dans une culture qui est le fait des groupes transnationaux des médias, comme TimeWarner, Disney, Viacom ou… NewsCorporation/Fox, aussi bien présents dans le divertissement que l’information. De façon circulaire, la série fait donc référence à une culture de masse créée et entretenue par l’industrie des médias dont elle est aussi le produit.
Ainsi, une piste d’explication au succès mondial des Simpson réside peut-être dans l’écriture de la série elle-même. Les auteurs, recrutés au sein des plus prestigieuses universités américaines, et notamment Harvard, jouissent d’une grande culture « académique » tout en maîtrisant les codes de la culture populaire dans laquelle ils évoluent, une culture populaire devenue commune au monde occidental, par le processus de mondialisation qui s’est accéléré dans les années 90. En multipliant les registres et les niveaux de lecture, la série réussi à ratisser un large public. Par un procédé que l’on peut qualifier d’« auto-référentialité » (désolé pour cette mauvaise traduction), la série puise sans cesse dans la même culture globale (ou du moins celle qui est commune au monde occidental) à laquelle elle appartient et fédère donc un public bien au-delà des frontières de l’Amérique.
Cette communauté de références permise par la mondialisation peut donc expliquer la facilité avec laquelle la série s’est exportée.
A suivre: Les Simpson, une série qui joue sur une variété de registres et de niveaux de lecture.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire