23 juin 2009

Que se cache-t-il derrière le "succès" de la TNT?

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Plus de quatre années après le lancement de la TNT, présentée à l'époque comme une révolution qui allait bouleverser la vie des Français, il est déjà possible de faire un premier bilan de ce changement majeur dans le PAF.

Premier enseignement: le succès a été fulgurant, surprenant aussi bien les acteurs établis (TF1, pris de court) que les nouveaux entrants (Direct 8 qui atteint 2,3% d'audience, déjà bien au delà de l'objectif de 1,5 pour 2012). En pleine croissance, toutes ces nouvelles chaines grignotent des parts du gâteau publicitaire, pourtant réduit par la crise. Au point d'obliger TF1 à ouvrir en grand le portefeuille pour acquérir TMC (leader des nouvelles chaines) et NT1 (au potentiel inexploité, dira-t-on). Quel bénéfice pour le téléspectateur? Davantage de choix bien sûr, pour un prix quasi nul (seulement le coût d'achat d'un décodeur, désormais intégré par défaut dans toutes les télés).
Mais après, quand est-il de la qualité? Toutes les nouvelles venues sont des chaines low-cost en comparaison des mastodontes comme TF1 et M6, elles sont aussi allègrement revenues sur leurs engagements initiaux auprès du CSA, mettant en péril la diversité qu'on nous avait vanté. Par exemple, quid des chaines musicales? NRJ12 et Virgin17 (Europe2TV a sa création) ont tenté un virage généraliste, plus rentable. Quid du direct sur Direct8, abandonné progressivement? etc. Surtout, quand est-il de la diversité après le rachat de NT1 et RMC par TF1, dans des conditions assez scandaleuses du point de vue du contribuable (lire à ce sujet l'analyse de P. Revel que je partage).

En raison de leur faibles moyens, ces chaines ont jusqu'à présent été contraintes, dans le pire des cas, au recyclage de catalogues (RMC et NT1 qui puisent à fond dans l'impressionnant stock de programme d'AB est l'exemple le plus flagrant) ou à la diffusion de programme cheap et mal doublés importés des Etats-Unis (NRJ12 et Virgin17); les chaines les plus chanceuses, celles adossées à un grand groupe, ont pu se servir dans les miettes laissées par leur grande soeur (W9 qui donne une seconde ou même troisième vie aux programme de M6). Pour les autres, cette situation les a forcé à l'imaginer et innover, afin de réaliser quelque chose de correct avec des bouts de chandelles, non sans ratés (Direct 8 dont les début on beaucoup fait rire, BFMTV et son organisation du travail contestée, etc.). Néanmoins, même si la montée en puissance de ces chaines est amorcée, on peut s'avouer assez déçu par la qualité de la TNT. A ce titre, France Télévision, qui est moins dépendante de la publicité que ses consoeurs n'a pas vraiment joué la carte de l'audace, à l'exception de France5, peut-être, mais il ne s'agit pas là d'une nouvelle chaine au sens strict. L'explosion du PAF n'a pas entrainé de boom de la création et les nouveaux talents apparu sur ces chaines se comptent sur les doigts d'une main.

Autre conséquence de l'apparition de la TNT: le marché publicitaire s'est trouvé morcelé, et les chaines établies subissant de plein fouet les effets de la crises publicitaire ont du revoir à la baisse les coûts de leurs grilles... On nous promet donc un revival des jeux, du style Juste Prix et autres monuments télévisuels, qui ont le grand avantage de ne (presque) rien couter. En tout cas beaucoup moins que de la fiction ou des magazines d'investigation. Et même si TF1 ne diffuse pas cette année l'Ile de la Tentation, la télé-réalité n'a pas dit son dernier mot (cf. Secret Story). Les programmes de qualité (ou du moins exclusifs et innovants) se trouvent donc désormais là où il reste encore de l'argent, c'est à dire sur les chaines à péage type Canal+, groupe qui finance la fiction, le cinéma et le foot. Paradoxe: gratuite, la TNT a d'une certaine manière rendu la télé payante plus attractive. La TNT a donc apporté la quantité et la diversité, mais pas forcément la qualité.
Est-ce à dire que je regrette l'oligopole antérieur? Non, d'ailleurs il est loin d'avoir disparu, au contraire: avec le rachat d'AB par TF1, les premières chaines de la TNT (TMC et W9) se retrouvent dans le giron d'acteurs établis... dans un sens, c'est bien, cela peut créer des synergies positives, espérons juste qu'elles ne soient pas que publicitaires, mais qu'elles tireront l'offre de programme vers le haut. Dans un autre sens, cela marginalise les groupes moins établis et en cours de construction (NextRadioTV, Bolloré, NRJ) au moment où ceux-ci commencent à voir leurs effort récompensés. Il ne faudrait pas tuer dans l'oeuf ces petites chaines qui montent et qui peuvent parfois se montrer innovantes (BFMTV qui ringardise l'info type LCI ou ITélé, Virgin17 qui a une programmation de série assez originale, etc.)

Succès d'audience, certes, la TNT accumule quand même bien des échecs: elle n'a que très partiellement brisé l'oligopole établi, elle n'a pas vraiment apporté la diversité de programme qu'on était en droit d'espérer, et sa qualité s'avère aussi décevante. On peut espérer qu'en entrant enfin sur la TNT TF1 la pousse vers le haut (mais se serait courir le risque de canibaliser la chaine-étendard, déjà mal en point). FranceTélévisions pourrait aussi se montrer beaucoup plus ambitieux avec France4.
On est donc en plein dans une période critique pendant laquelle la TNT se consolide. et tire les leçon de ses premières années d'existance La question est: y aura-t-il de la place pour tout le monde? Les rumeurs de vente de NRJ12 par sa maison mère ne font qu'entretenir le doute sur cette question qui se pose depuis le lancement de la télé numérique.

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